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Noirs bords de route

Les images reproduites ici ont été prises sur la route à bord d’un véhicule en mouvement. Les photos sont ainsi prises sur le vif, le sujet en ressort incertain, pris au vol, souvent flou, sélectionné dans un instant. Cette série est une représentation d’un trajet, ou plutôt d’une portion de celui-ci.

Dans ces conditions, on s’en doute, les photos ne sont pas des monuments de qualités techniques ni de composition. Mais cela ne veut pas dire qu’elles n’en ont aucune.

Chaque photo subit un processus de transformation automatiques qui laisse une image très détériorée ou subsiste des traces ici et là, du sujet et d’un horizon qui est, somme-toute, la marque d’un paysage où le mouvement se devine parfois. Les transformations automatiques et systématiques gomment les détails superflus et révèlent les structures du paysage dans un résultat très contrasté, des compositions graphiques au bord de l’abstraction, comportant seulement deux valeurs : noir et blanc. Ensuite, une sélection des meilleures images est faite dans ce corpus en vu de proposer une séquence.

Derrière une telle démarche, un tel procédé de prise de vu, peut se cacher plusieurs idées.

La première serait de penser chaque photo individuellement et espérer que dans le lot, sur la quantité de photos prises, une photo se démarquera par un heureux hasard. Si les sujets varient et les photos sont suffisamment différentes les unes des autres, alors la probabilité d’avoir quelques bonnes photos grandit avec le nombre de photos prises. Bien qu’on n’en soit pas sûr, cela semble logique.

La seconde est de considérer l’ensemble des photos comme l’objet d’étude, c’est-à-dire qu’on n’envisage plus les photos individuellement en les comparant avec une sorte de norme généraliste qui représenterait une idée d’une bonne photo, mais que l’on juge la photo en la comparant avec les autres éléments de la séquence. Alors il existe nécessairement la meilleure photo de l’ensemble et la moins bonne. Toute séquence semble pouvoir avoir ce genre de classification. La séquence devient l’objet d’attention et chaque photo individuelle n’a plus guère de sens en elle-même, puisqu’elle ne se définit que par une comparaison avec les autres éléments de l’ensemble.

La dernière est de penser aux photos, non pas comme une séquence aboutit, ni comme des objets individuels et hors contexte, mais comme une matière qui n’existe que pour être transformé en autre chose – les processus de transformation restant à déterminer.

Les trois idées sont en jeu dans ce projet, puisque la prise de vu est plutôt guidé par l’idée numéro un, puis l’idée numéro trois est appliqué, pour enfin faire jouer l’idée numéro deux pour la sélection.

D’un ensemble d’images un peu rustres, on obtient grâce à leur détérioration une séquence d’images qui finissent par dégager une atmosphère qu’elles n’avaient pas quand elles étaient de simples photos. Le processus change la qualité d’images médiocres en les détériorant de plus en plus, pour n’en laisser que des ombres d’elles-mêmes, des trames, des structures. Dans un processus la fabrication d’images, la détérioration, la destruction, la soustraction de l’information peut à l’occasion se trouver être une action bénéfique.

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